Friday, April 3, 2009

Colita



Found this interesting photographer from Barcelona : Colita

Espagnes rebelles. «La Gauche divine» ou l'insouciance révolutionnaire.
WAINTROP Edouard
Barcelone.

Pendant que l'Espagne des années 60 s'ennuyait à mourir sous un franquisme qui n'a que trop duré, un groupe de jeunes artistes et bourgeois vivant en Catalogne faisait la fête. Organisant des concours de madison, colonisant Cadaquès, visitant Dali à Port Lligat, découvrant les films de Luis Buñuel, faisant l'apologie de la démocratie. Ce groupe de bons vivants dans un pays sévère et triste, un journaliste, Joan de Segarra, l'appelle «la Gauche divine» (en français). «Et c'est devenu, raconte l'écrivaine Rosa Regas, le nom de ce mouvement», qui rassemblait des éditeurs (comme Josep Maria Castellet), des poètes et écrivains (Carlos Barral, Terenci et Anna Moix, Joan Marsé, Rosa Regas elle-même), l'historien du cinéma Roman Gubern, des acteurs, des top models (Elsa Peretti, Teresa Gimpera), des architectes (Oscar Tusquets, Ricardo Bofill).

Soirées déshabillées. Cette cohorte de fêtards démocrates mêle «le travail et le divertissement, le cosmopolitisme et la Costa Brava, l'irrévérence et les bonnes manières et le whisky et les glaçons», dit un de ses membres. Mais aussi les Catalans, les Espagnols et quelques émigrés latino-américains de gros calibre comme Gabriel Garcia Marquez et son copain Mario Vargas Llosa (devenu depuis son ennemi intime), et aussi José Donoso et Alfredo Bryce Etchenique. Pour couronner le tout, d'excellents photographes, Colita (Isabel Steva), Oriol Maspons et Xavier Miserachs appartiennent à cette Gauche divine et lui construisent des souvenirs avec leurs clichés.

On y découvre les réunions de ces gens qui appartiennent à divers partis politiques illégaux, démocratiques et représentent un antifranquisme large, une ouverture sur l'Europe et les Etats-Unis. Les repas y sont visiblement arrosés, les danses agitées, les soirées sur les plages de l'Ampordan torrides. En été, des bandes de jeunes gens traînent dans les rues de Cadaquès, le matin, ils semblent fatigués par la nuit précédente, le soir excités par la nuit qui va venir. On voit aussi quelques top models et actrices de l'époque qui ont joué les égéries, des intellectuels de premier plan qui font les clowns, Juan Marsé sur son balcon, Garcia Marquez avec un livre ouvert sur la tête et des soirées déshabillées dans des boîtes de nuit à Barcelone.

Presque-bonheur. Aujourd'hui, encore plus que leur qualité plastique, réelle, ce qui frappe dans ces photos, c'est la volonté de leurs personnages de s'étourdir. Dans une époque dominée par la figure de Francisco Franco en père Fouettard, et par la présence noire et sévère de son associée L'Eglise catholique (qui avait béni le pronunciamiento d'extrême droi te de 1936 et la guerre civile qui suivit par un «bénis soient les canons, si dans les brèches qu'ils ouvrent fleurit l'Evan gile»), ce presque-bonheur parfumé au whisky, cette liberté de moeurs, ce ton Françoise Sagan, ce mode de vie sophistiqué et élitiste constituait une petite révolution.

D'où le surnom de «Gauche divine». Le mai français de 1968 va radicaliser l'opposition de ces jeunes fêtards au régime. En décembre 1970, avec les procès de Burgos et de Montserrat, l'atmosphère s'alourdit en Espagne et en Catalogne. Colita photographie une réunion d'intellectuels barcelonais qui se mobilisent contre la peine de mort. Parmi eux, de nombreux piliers de la Gauche divine, qui disparaît bientôt en tant que telle. En janvier 1971, Manuel Vasquez Montalban, le père du détective Pepe Carvalho, l'ami de pas mal de ces noctambules, peut se demander, dans une de ses chroniques «subnormales» si la Gauche divine a vraiment existé.

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