Wednesday, November 24, 2010

Les lilas et les roses



Les lilas et les roses

x
Ô mois des floraisons mois des métamorphoses
Mai qui fut sans nuage et Juin poignardé
Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses
Ni ceux que le printemps dans ses plis a gardés
Je n'oublierai jamais l'illusion tragique
Le cortège les cris la foule et le soleil
Les chars chargés d'amour les dons de la Belgique
L'air qui tremble et la route à ce bourdon d'abeilles
Le triomphe imprudent qui prime la querelle
Le sang que préfigure en carmin le baiser
Et ceux qui vont mourir debout dans les tourelles
Entourés de lilas par un peuple grisé

Je n'oublierai jamais les jardins de la France
Semblables aux missels des siècles disparus
Ni le trouble des soirs l'énigme du silence
Les roses tout le long du chemin parcouru
Le démenti des fleurs au vent de la panique
Aux soldats qui passaient sur l'aile de la peur
Aux vélos délirants aux canons ironiques
Au pitoyable accoutrement des faux campeurs

Mais je ne sais pourquoi ce tourbillon d'images
Me ramène toujours au même point d'arrêt
A Sainte-Marthe Un général De noirs ramages
Une ville normande au bord de la forêt
Tout se tait L'ennemi dans l'ombre se repose
On nous a dit ce soir que Paris s'est rendu
Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses
Et ni les deux amours que nous avons perdus

Bouquets du premier jour lilas lilas des Flandres
Douceur de l'ombre dont la mort farde les joues
Et vous bouquets de la retraite roses tendres
Couleur de l'incendie au loin roses d'Anjou

LOUIS ARAGON «Le Crève-Coeur» Gallimard 1940

2 comments:

  1. Paris a froid Paris a faim
    Paris ne mange plus de marrons dans la rue
    Paris a mis de vieux vêtements de vieille
    Paris dort tout debout sans air dans le métro
    Plus de malheur encore est imposé aux pauvres
    Et la sagesse et la folie
    De Paris malheureux
    C'est l'air pur c'est le feu
    C'est la beauté c'est la bonté
    De ses travailleurs affamés
    Ne crie pas au secours Paris
    Tu es vivant d'une vie sans égale
    Et derrière la nudité
    De ta pâleur de ta maigreur
    Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux
    Paris ma belle ville
    Fine comme une aiguille forte comme un épée
    Ingénue et savante
    Tu ne supportes pas l'injustice
    Pour toi c'est le seul désordre
    Tu vas le libérer Paris
    Paris tremblant comme une étoile
    Notre espoir survivant
    Tu vas te libérer de la fatigue et la boue
    Frères ayons du courage
    Nous qui ne sommes pas casqués
    Ni bottés ni gantés ni bien éléves
    Un rayon s'allume en nos vienes
    Notre lumière nous revient
    Les meilleurs d'entre nous sont morts pour nous
    Et voici que leur sang retrouve notre coeur
    Et c'est de nouveau le matin un matin de Paris
    La pointe de la déliverance
    L'espace du printemps naissant
    La force idiote a le dessous
    Cec esclaves nos ennemis
    S'ils ont compris
    S'ils sont capables de comprendre
    Vont se lever.


    Paul Eluard

    ReplyDelete